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Ma Quincaillerie Musicale

Des sons qui voyagent-Jour 6: Dernier jour de festival

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Des sons qui voyagent-Jour 6: Dernier jour de festival

Par Myriam Poliquin

Quand on se voit la bette pour la première fois ce matin, tu as ta perceuse à la main et la lèvre inférieure toute orangée. Nous, on a perdu nos mots en chemin, quelque part avant St-Véran, sur la rue principale de Les Molines. Ou peut-être dès les premiers serpentins de la route à flanc de montagne, avec ses vieux tunnels et le précipice sur notre gauche. Ils nous restent à peine des onomatopées pour te conter notre matinée. On a les yeux ronds et les muscles faciaux bien étirés par notre concours de «Oh!», de «Ouf!» et de «Wow!». Il faut définitivement t'y amener demain. On refuse même de te montrer une photo.

Toi, tu perces et sculptes des carottes-flûtes depuis ton réveil, assise au bout de la table, entourée de saladiers remplis d'épluchures. Pendant que tu révises le plan pour ton atelier de l'après-midi, j'étampe ton logo sur des bâtonnets de bois dont tu vas te servir pour bricoler des p'tits rigoleurs avec les enfants : un type de cartes d'affaires qui ne passera pas inaperçu. Ç'a entre dans la catégorie des instruments pour lesquels ma mère arrêtait sur le bord de l'autoroute et nous donnait un ultimatum : « On joue pas d'instruments dans l'auto, sinon je les lance par la fenêtre! »

D’ailleurs, j’me souviens d'une crécelle qui avait pris l'champ comme ça… J'ai une pensée pour celles et ceux qui auront à choisir entre éveil musical et hygiène de l'ouïe.

On installe le kiosque d'Ariane DesLions sur la place publique à l'ombre d'un grand arbre qu'on décore avec tes instruments fabricolés et les cartons colorés qui formaient les pans de ton grand coffre à outils défait la veille. Même les tables mises à ta disposition fittent avec ton concept: de grosses bobines de bois aux dessus peints et des bûches en guise de sièges.

Il vente à écorner les bœufs. Tu me fais comprendre d'un regard que j'suis mieux de taper ma jupe avec ton ruban adhésif coloré si je veux rester debout pour travailler. Simon fait essayer le gougounnophone (gougoune-o-fun) aux petits comme aux grands, alors que je termine d'assembler les p'tits rigoleurs avec des élastiques.  Hormis pour ma séance de maquillage, j'vais avoir passé mon après-midi là-dessus, sans vraiment voir le temps passer.

Il y a un grand attroupement qui se forme autour de toi. Les parents se rapprochent rapidement, intrigués par le «comment» derrière tes bricolages musicaux. Tu laisses tes participantes et participants dans un état d'euphorie.

Avec le spectacle qui suit, le contraste est marquant: une marionnettiste anime des papillons de papier de riz sur une musique de clinique d'acuponcture…

Les Rencontres de la petite enfance se terminent sur une prestation de l'association Octopus. Vincent Savina et Sophie nous dilatent la rate avec leurs personnages, un chauffeur de train introverti et une institutrice tout juste délurée devant le micro, puis avec leur dédicace en québécois et leur chanson du Lion qui t'est offerte.

C'est ce Vincent qui t'avait prêté sa guitare pour les deux spectacles. Quand on lui a remis hier, il n'a pas voulu enlever les dessins que j’avais faits sur des morceaux de tape-à-peinture vert collés dessus. T'as parti une mode!

On passe la demi-heure suivante à décider où on prendra notre bière-récompense.

C'est qu'on ne veut vraiment pas perdre de vue les montagnes, faque au yâble la compagnie douteuse qui viendra avec le bar!

On prend ce temps pour réfléchir aux trois mots qui résument nos journées d'aujourd'hui. La fin de ce chapitre approche; on commence à être sensibles:

«J'vais revenir au Québec vidé, mais rempli en même temps », conclut Simon.

Toutes ces émotions nous ayant rouvert l'appétit, on convient de s'acheter une p'tite pizza pour emporter, histoire de tougher jusqu'au festin de clôture.

Stationnés près d'un rond-point sur le bord de l'autoroute entre Guillestre et Embrun, on fait bien rire nos hôtes qui nous croisent l'une après l'autre en voiture...

Vue sur la forteresse du Mont-Dauphin, la porte du coffre arrière de la Zephira grand' ouverte, on est assis.e.s le dos appuyé sur les valises, la pizz' à nos pieds sur un case de guit', du vin dans des gobelets de plastique qu'on a de la difficulté à tenir...

...nos mains trop pleines de l'envers du décor.

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Des sons qui voyagent, Jour 5: Guillestre

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Des sons qui voyagent, Jour 5: Guillestre

Par Myriam Poliquin

Hier soir, on s'est encore couché passé 1 heure. Tu animes un atelier ce matin et vous présentez le spectacle pour une seconde fois ce soir. Je sais pas comment vous faites, avec le stress et la fatigue, les soupers tardifs qu'on digère pas avant de s'endormir, le temps et l'énergie que vous mettez à rencontrer et connaître nos hôtes et les autres artistes... J'admire l'efficacité de l'adrénaline dans vos corps!

Moi, mon cerveau est saturé. Ma carte mentale ne cesse de s'élargir au contact de votre univers de musicien.ne.s professionnel.le.s. Je me sens comme une enfant épuisée par la nouveauté et les apprentissages. J'essaie de tout gober, mais il me faut un peu de « vide » pour processer. Mon cerveau-éponge doit se mettre en veille pour faire un peu de classement, réorganiser ma pensée, créer de nouvelles connexions. J'ai donc senti le besoin de me retirer tôt dans nos quartiers hier soir.

Disons aussi que j'ai pas l'oreille pour le genre de routes propres aux Hautes-Alpes, ces serpentins étroits à flanc de montagnes. Ah! La cinétose: le pétillement de la lèvre du bas, les sueurs froides et l'étourdissement me gagnent facilement. Je reste immobile et silencieuse, économise mon énergie. Par chance, notre chauffeur y est sensible et vous acceptez de rouler les fenêtres grand' ouvertes, ma tête en permanence à l'extérieur du véhicule. Buste de sirène sculptée sur la coque de notre navire. Petit chien à lunettes rouges qui se fait sécher le dentier sur le siège arrière.

Ce matin, par contre, je suis en pleine forme. À 7h, j'ai déjà composé et publié les communications pour la journée et ta campagne de socio-financement. Ça adonne bien, ton niveau d'énergie est plus bas et tu dois la conserver pour l'animation de ton atelier.

La complémentarité des membres de notre équipe est mise à profit cet avant-midi. Une demi-heure avant le début, Simon et sa présence apaisante repartent confiants chercher du colorant alimentaire liquide ―et non en poudre― pour une de tes activités pendant que je te patente une jupe avec un chandail. Ledit morceau de ton costume est resté dans notre garde-robe à 20 minutes de route. Ton acolyte passera le récupérer ensuite pour ton spectacle de l'après-midi.

J'accueille les familles qui ne cessent d'entrer, tout en filmant et en photographiant ton travail. Tu restes concentrée, enjouée et patiente, même avec les p'tits coquins qui n'écoutent pas les consignes pis qui sonnent tes cloches.

Ce matin, tu traces des sourires avec la couleur de tes sons. Tu surprends les parents avec tes idées d'instruments-maison; ils veulent des plans, un petit manuel d'instructions pour la maison.

Ma Quincaillerie Musicale- LE spectacle 

Il est 13h30. Je cherche un endroit où écrire pendant que vous faites une sieste sur des matelas de yoga dans la bibliothèque de l'école élémentaire. La Zephira est stationnée dans la cour d'école.

On attend de savoir où sera rendue l'ombre vers 17h30, quand le show débutera. La chaleur est un enjeu: Simon sous sa forme tiyounesque (un suit à manches et à pattes longues, une casquette et le visage peinturluré) doit passer 15-20 minutes dans le coffre à outils géant, roulé sur lui-même, en sardine avec ta valise-cajón et ton ukulélé.

Vers 15h, je ramène du café du centre-ville pour ton technicien de son. Il n'y avait pas de gobelets pour emporter. À petits pas traînants dans les côtes de Guillestre, je pratique mon équilibre avec un verre à shooter remplit d’espresso à ras bord. Je perds la mousse au passage, ça dégouline sur mes orteils. Les tests de sons se font sous un soleil cuisant. Cette fois-ci, quand sont dénichées des rallonges assez longues, ça marche du premier coup!

Des micros serre-tête vous ont été prêtés par des artistes de Lyon avec qui vous avez fraternisé la veille et qui ont accepté de vous les laisser bien qu'elles repartaient chez elles en matinée. Plus besoin de s'inquiéter de griller le système avec la conversion 110V-220V. Tout comme les coups de vent amplifiés, Ma Quincaillerie Musicale peut finalement être diffusée à travers la cour d'école.

Il te faut encore penser à adapter ta mise en scène: ton entrée et ta sortie, tes déplacements, l'interaction avec les enfants après le spectacle, etc.

Moi, il ne me reste plus qu'à pousser le bouton du master quand tu entreras en scène.

Au milieu du spectacle, m'accroupissant à travers les spectateurs assis sous les chapiteaux pour prendre une photo, je remarque votre décor en arrière-plan. Alors que je vous rapporte ce moment précis un peu plus tard, mes pleurs accompagnent mes rires: «C'est quand le dernier samedi soir où t'as sorti tes outils au pied des Alpes pour offrir ton cœur à deux cents yeux attentifs?»

Ce soir, on se reposera juste tous les trois devant une salade et on lancera notre gratitude aux étoiles.

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Des sons qui voyagent -Jour 3: Châteauroux-les-Alpes

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Des sons qui voyagent -Jour 3: Châteauroux-les-Alpes

Par Myriam Poliquin

Premier spectacle

La courte nuit fait place au premier jour de représentation. C'est vrai là, on leur déballe toute la quincaillerie! Nous nous rendons à l'École élémentaire du Rabioux à Châteauroux-les-Alpes dans notre Zephira remplie jusqu'au plafond. Il n'est pas si loin, il me semble, le dernier moment où je me suis retrouvée dans un véhicule avec du carton qui me caressait l'oreille et un étui de guitare qui me touchait les cuisses.

De la veille, y'a comme une p'tite gêne qui vous habite à refaire des tests sans convertisseur avec les microphones loués, ceux qui ont traversé l'océan avec nous. Cette incertitude par rapport au branchement de l'équipement de son n'arrive pas à vous empêcher d'apprécier la route. Durant l'installation, on se rend bien compte qu'il faudra faire sans. Heureusement, vos voix a capulco sont bien portées à travers la salle des Fêtes.

T'as oublié tes pinceaux et il reste à déguiser la guitare que Vincent, un artiste du coin, te prête pour la durée de notre séjour. Tu commences à te maquiller pendant que Simon continue à courir les multiprises et les rallonges avec une patience impressionnante. Il nous reste à trouver une façon le faire entrer, sous sa forme Ti-Younesque, dans ton coffre à outils sans que les enfants le voient.

Il vous faut adapter votre mise en scène à ce nouvel espace pour en tirer le meilleur: s'installer au même plancher que les enfants, mettre à profit la lumière naturelle, utiliser les tables pliantes pour se faire une loge...

Je ne vois pas les deux heures et demie passer.

Je scrute ton non-verbal; ça spinne dans ta tête à toute vitesse. Il y a tant de choses qu'il te faut penser, prévoir, mémoriser.

Arrive le moment où l'on fait entrer les enfants et les institutrices. Tu te caches dans la salle de bain. J'improvise un petit mot de présentation.

Les quarante paires de petits souliers sont alignées au mur et les funkys sons* résonnent!

*Note aux fans: Funkys sons, c'est le titre d'une de mes cinq chansons favorites sur l'album Ma Quincaillerie Musicale d'Ariane DesLions!

 

Après-spectacle

On s'installe à travers les mouches câlineuses sur l'avancée du restaurant La Forge de Châteauroux devant un dîner offert par la mairie. Vous me racontez que, très rapidement, dès vos premières interactions avec les enfants vous êtes remplis d'un vaste sentiment; quelque part entre l'amour, la réalisation professionnelle et la gratitude. Que c'est beau ce que vous me permettez de voir à travers vos yeux.

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